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Dix ans de retard
12 janvier 2022

2022 : 12 janvier : J'ai traduit : Amir Hamed (1962-2017)

1847

À présent que le second volume d'anthologie bilingue d'auteurs uruguayens chez Latinoir est sous presses, je peux commencer à parler des auteurs qui y sont représentés.

Amir Hamed est décédé à Montevideo en novembre 2017, quelques jours avant mon retour en Uruguay. On le savait malade depuis au moins l'année précédente. Plusieurs personnes m'avaient parlé de lui, mais je n'avais pas eu l'occasion de le rencontrer, ni de le lire, car je m'étais concentré sur un groupe d'auteurs plus jeunes, ceux du premier volume de l'anthologie. On me l'avait présenté comme un auteur difficile, ayant eu pourtant une influence considérable sur une bonne partie de sa génération. Il allait bien falloir qu'un jour je me frotte à sa prose. 

Le soir même de mon arrivée à Montevideo, ce devait être il me semble mon cinquième séjour depuis 2013, les éditions HUM fêtaient leurs dix ans. Une soirée était organisée en plein air, sous les jacarandas fleuris du parc du "Musée national des arts visuels". S'agissant d'un éditeur indépendant qui donne beaucoup de place aux auteurs uruguayens, et qui avait publié le dernier livre d'Amir Hamed, "Febrero 30", un grand nombre d'auteurs assistaient à la petite fête, et plusieurs d'entre eux me parlèrent de lui. Ce fut l'occasion de retrouver Ramiro Sanchiz, et de faire la connaissance de Carlos Rehermann, ami proche d'Amir Hamed. 

À cette époque je commençais à ébaucher le second volume d'anthologie bilingue, que je prévoyais de centrer sur cette génération. L'idée de départ était de faire une anthologie d'auteurs vivants, mais bien vite il est apparu qu'il serait impératif de donner sa place à Amir Hamed, tant son souvenir restait présent, notamment pour Gustavo Espinosa ou Carlos Rehermann, mais aussi pour Ramiro Sanchiz, et quelques autres que j'ai connus plus tard. (Gustavo Alzugaray, par exemple).

Amir Hamed, escritor: Cuanto más ignorante seas, más fácil es esclavizarte - Semanario Voces

Lo veníamos leyendo desde hace tiempo en la página web Interruptor y nos pareció una entrevista interesante. Acepto de entrada nuestra propuesta, aunque luego de las dos horas de charla nos reconoció que se había sorprendido gratamente por nuestra llamada porque en general dice cosas que no quieren ser escuchadas.

http://semanariovoces.com

Le traduire était un défi, car le premier texte que j'ai lu de lui m'a déconcerté, bien qu'il m'ait d'une certaine manière "enchanté" comme le voulait son titre. C'était un livre court, mais trop long pour une anthologie de nouvelle. Amir Hamed étant surtout un auteur de romans, plutôt longs, le choix était restreint. Après avoir lu son recueuil de nouvelles "Buenas noches, América", je suis finalement revenu à "Encantado", lecture dont le souvenir me hantait, et j'ai décidé d'en traduire le premier chapitre comme s'il s'agissait d'un conte. Je n'avais pas tout compris ? Aucune importance: j'ai retenu de cette expérience et de quelques autres que la traduction est justement la meilleure façon de finir de comprendre un texte. 

Ce qui m'a séduit dans ce cas, c'est qu'Amir Hamed écrit un essai qui ressemble par la forme à un conte fantastique plein de poésie. En voici donc un fragment, d'abord en V.O., puis en V.F., et tout en bas la chronique du livre entier que j'avait écrite pour mon blog en décembre 2017.

"Los dominios del Rey Orfeo se han vuelto un estrábico desenvainar de espadas y arcos que se tensan sin saber a dónde apuntan. Ayer a la tarde, su esposa Eurodis marchó con dos de sus doncellas al huerto a descansar bajo sombra frutal –de un manzano o un cerezo– y se quedó dormida; despertó desgreñada, con las faldas hechas tiras y tan agitada que tuvieron que acudir, relampagueantes en sus armaduras, los caballeros del reino a contenerla. Resulta que, en el sueño, luciendo una corona de gemas preciosas, había comparecido el Rey de Otromundo, que la reclamaba para sí. Le había dicho que lo esperara allí mismo al día siguiente, y allí mismo, al día siguiente, mientras descansa Eurodis bajo el árbol, a su alrededor se ha cerrado, como un botón cuantioso y cegador, un círculo de caballeros invencibles, un millar de ellos, comandados por Orfeo y tiesos por unanimidad, por no despertarla con el rechinar de yelmos y panoplias. Y, de hecho, del paraje por el que anduviera ya no habrá de volver la reina, porque cuando a esos dos mil ojos vigilantes les sea dado ver de nuevo algo que no sea el reflejo de sus metales asesinos sabrán que ya no está, que solo hay gramilla y olor a fruto donde recién estuvo Eurodis, y un rey viudo que, arpa en mano, se aleja del mundo a llorar sus cuitas en el bosque.

Desde su aparición, allá por el 1300, en el Romance of King Orfeo compuesto por manos anónimas en un barrunto de inglés, acaso nadie nos haya enseñado más sobre nuestra condición de occidentales que este extranjero, el Rey de Otromundo, señor de las hadas. Nos rapta, nos encanta: cuando irrumpe, se suspende el tiempo de la vida y de la muerte, abriéndose un pabellón, el de las hadas, que es el de una naturaleza en suspenso, activado ni bien, como Eurodis, nos damos a lo que creemos sueño. Ni bien menguan nuestras pulsaciones se activa este rey y su enjambre de súbditos, las hadas hembras y machos, pero hasta ahora al Rey de Otromundo solo se le registran dos apariciones, y ambas en lengua de ingleses, una a Eurodis y Sir Orfeo, otra en cierto verano de Whitby, en Yorkshire, ahora con victoriano título de conde, en un cruce de siglos."

"Les domaines de Sire Orfée sont changés en un strabisme d’épées dégainées et d’arcs qui se bandent sans savoir vers où ils visent. Hier après-midi, son épouse Heurodis se rendit au verger avec deux de ses demoiselles de prix, pour se reposer à l’ombre fruitière –d’un pommier ou d’un cerisier- et s’est endormie ; puis éveillée échevelée, les jupes en lambeaux et si agitée que durent accourir, étincelants dans leurs armures, les chevaliers du royaume pour la maitriser.  Il apparait que dans son sommeil, arborant une couronne de précieuses gemmes,  s’est présenté le Roi d’Autremonde, en la réclamant pour lui. Il lui a dit de l’attendre au même endroit le jour suivant, et là même, le jour suivant, tandis qu’Heurodis repose sous l’arbre greffé, à son entour s’est refermé comme un bourgeon inestimable et aveuglant, un cercle de chevaliers invincibles, un millier d’entre eux, commandés par Orfée et unanimement figés, pour ne pas la réveiller avec le grincement des heaumes et des panoplies. Et de fait, en ce parage où elle passa, la reine ne reviendra pas, car au moment où il sera donné à ces deux mille yeux attentifs de revoir autre chose que le reflet de leurs métaux assassins, ils sauront qu’elle n’est plus là, qu’il n’y a qu’herbe et odeur de fruit à l’endroit où se trouvait Heurodis, et un roi veuf qui, la harpe a la main, s’éloigne du monde pour pleurer ses tourments dans la forêt. 

Depuis son apparition, quelque part vers 1300, dans le Romance of King Orfeo composé par des mains anonymes dans une prémonition d’anglais, personne sans doute ne nous en a enseigné davantage sur notre condition d’occidentaux que cet étranger, le Roi d’Autremonde, seigneur des fées. Il nous enlève, nous enchante : quand il fait irruption, le temps de la vie et de la mort suspend son vol, et s’ouvre alors un pavillon, celui des fées, qui est celui d’une nature en suspension, à peine activé ce temps, comme Heurodis, nous nous abandonnons à ce que nous croyons être le rêve. Sitôt que faiblissent nos pulsations, entre en action ce roi et son essaim de sujets, les fées femelles et mâles, mais jusqu’à présent on ne connait que deux apparitions du Roi d’Autremonde, toutes deux en langue d’anglais, l’une à Heurodis et Sire Orfée, l’autre en un certain été de Whitby, au Yorkshire, cette fois avec un titre victorien de comte, au croisement de deux siècles." 

" Encantado " de Amir Hamed. (par Antonio Borrell) - LES LETTRES DE MON TRAPICHE

H ediciones, Montevideo, 2014, 60 pages ISBN : 978-9974-8390-3-8 Disparu en novembre 2017, Amir Hamed était né en 1962 à Montevideo. Son père, musicien et d'origine syrienne, emmena toute la famille quelques années en Egypte par admiration pour Nasser. De retour au pays, la jeunesse d'Amir Hamed dans les années 70-80 se déroule sous la dictature " civico-militaire ".

http://lettrestrapiche.canalblog.com

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