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Dix ans de retard
13 juin 2021

2021 : 13 juin : j'ai traduit : Jennifer Garcia Acevedo

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Je n'ai jamais rencontré Jennifer Garcia en personne, je m'en souviendrais certainement, et j'avoue même à ma grande honte que j'ignorais jusqu'à son existence. C'est par l'intermédiaire de deux amis, poètes vivant dans l'Hérault, Pierre Ech Ardour et Hamid Larbi, qu'il m'a été proposé de la traduire. Jennifer Garcia est donc colombienne, poète, née en 1995 à Medellìn. C'est à peu près tout ce que je sais d'elle.

J'ai toujours des scrupules à traduire de la poésie, car je me sens incompétent et illégitime. Mais c'est chaque fois demandé si aimablement que je ne peux refuser. Et puis je dois dire que dès la première lecture certains des textes m'ont semblé très intéressants en raison de leur touche de surréalisme. C'est pourquoi j'en partage quelques uns ici, en VO et en VF. 

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LLUVIA DE HOMBRES

Pienso en una pintura de Rene Magritte en la que un grupo de hombres vestidos con trajes idénticos permanecen suspendidos en el aire, sin que sea posible reconocer en sus formas un indicio de ascensión o caída. Pienso en sus pies separados de Dios y de la tierra, en sus voces reveladas a otros e incomprensibles para mí. Pienso que más allá de ese paisaje, donde nadie lanza un grito y todos asumen su destino de animal misterioso, estamos nosotros, tratando de develar el enigma, parados frente a la lluvia de hombres que nos desconoce, preguntándonos si como aquí, allí también las banderas se levantan y ondean sobre un campo de animales heridos.

 

UNE PLUIE D’HOMMES

Je pense à un tableau de René Magritte dans lequel un groupe d’hommes vêtus de costumes identiques restent suspendus en l’air, sans qu’il soit possible de trouver dans leur forme un indice de chute ou d’ascencion. Je pense à leurs pieds séparés de Dieu et de la terre, à leurs voix révélées à d’autres et incompréhensibles pour moi. Je pense que nous nous trouvons au-delà de ce paysage, là où personne ne crie et chacun accepte son destin d’animal mystérieux, essayant de résoudre l’énigme, debout face à la pluie d’hommes qui nous ignore, et nous demandant si comme ici, là-bas aussi les bannières s’élèvent et ondulent sur un champ d’animaux blessés.

 

EL CÍRCULO DE LA ESPERA

Sobre el centro de esa región extranjera una voz antigua y sutil, como el lenguaje de los árboles, nos llama. La inmensa claridad del día atraviesa las cosas hasta romperlas, y junto a los muros las siluetas de los hombres se prolongan impulsadas por el movimiento del aire. Es la hora de lo terrible, de las palabras que no llegan a su destino, de la escritura que se detiene en el fondo de la sangre, de todo lo impronunciable y oscuro. Hemos ido demasiado lejos tras esquivar las abejas muertas que se cruzan a nuestro paso y reconocer un indicio de piedad en los ojos del asesino. Hemos iniciado un camino sin retorno, guiados únicamente por las imágenes del sueño y el rumor de la sombra que tarde o temprano nos llega. Es así como todo avanza. Nunca comprendemos la belleza de las cosas cercanas hasta que atravesamos una frontera invisible en el mundo. La línea que nos separa del origen, el espacio que no conoce la luz. Cuando el círculo de la espera se cierra y el jardín desconocido simula la casa de la infancia, asumimos nuestra condición de extranjeros.  Sentados sobre una piedra, vemos los animales correr hacia las calles, como si nada sucediera, como si sus huesos fueran inmunes al disparo de Dios.        

 

LE CERCLE DE L’ATTENTE

Au centre de cette région étrangère une voix ancienne et subtile, comme le langage des arbres, nous appelle. L’immense clarté du jour transperce les choses jusqu’à ce qu’elle les brise, et rasant les murs les silhouettes des hommes s’allongent, sous la poussée de l’air en mouvement. C’est l’heure des choses terribles, des paroles qui n’arrivent pas à destination, de l’écriture qui s’arrête dans les profondeurs du sang, de tout ce qui est imprononçable et obscur. Nous sommes allés trop loin après avoir esquivé les abeilles mortes qui croisent notre chemin et reconnu une trace de pitié dans les yeux de l’assassin. Nous avons pris un chemin sans retour, guidés seulement par les images du rêve et la rumeur de l’ombre qui tôt ou tard nous atteint. C’est ainsi que tout avance. Nous ne comprenons jamais la beauté des choses avant de traverser une frontière en ce monde. La ligne qui nous sépare des origines, l’espace qui ne connait pas la lumière. Quand le cercle de l’attente se referme et le jardin inconnu ressemble à la maison de l’enfance, nous assumons notre condition d’étrangers. Assis sur une pierre, nous voyons les animaux courir vers les rues, comme si de rien n’était, comme si leurs os étaient insensibles au feu de Dieu. 

 

El CENTRO DE LA FIESTA                                                                                                                                     A Daniel

La infancia es una casa sin huésped, dices. Y tu palabra ahuyenta a los que cantan. Basta un gesto para saber que permanecen ciegos a la sombra de la orquesta, detenidos en la madera del oboe, indiferentes al lenguaje secreto del mundo. La infancia es una casa sin huésped, insistes, pero nadie responde. Extraviados, tocan las cuerdas invisibles del aire, mientras sus voces se agolpan, cercanas y diferentes como letras de un mismo alfabeto. La infancia es una casa sin huésped, te oigo decir tantas veces, pero el sonido del timbal es todo cuanto existe, más allá de eso, poco importan tus cavilaciones, tu condición de asmático en la habitación cerrada, tu memoria atravesada por la herida. Esto es lo que temen. Escuchar a un hombre hablar desde la orilla oscura cuando las puertas de la fiesta se abren y Dios baila en su centro. 

  

LE CENTRE DE LA FÊTE                                                                                                                                  À Daniel

L’enfance est une maison sans hôte, dis-tu. Et ta parole effraie ceux qui chantent. Un geste suffit pour pour savoir qu’ils restent aveugles à l’ombre de l’orchestre, prisonniers de la matière du hautbois, indifférents au langage secret du monde. L’enfance est une maison sans hôte, redis-tu, mais personne ne répond. Egarés, ils jouent des cordes invisibles de l’air, tandis que leurs voix se heurtent, proches et différentes comme des lettres d’un même alphabet. L’enfance est une maison sans hôte, je te l’entends dire tant de fois, mais le son de la timbale est tout ce qui existe, au-delà de ça, peu importent les inquiétudes, ta condition d’asthmatique dans une chambre fermée, ta mémoire transpercée par la blessure. C’est de cela qu’ils ont peur. Entendre un homme parler depuis le rivage obscur quand s’ouvrent les portes de la fête et que Dieu danse au milieu.

 

 

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